Land of Evangeline Trail, 1930
par : Rémi Belliveau
La statue Évangéline d’Henri Hébert, érigée en 1920, est reconnue surtout comme un symbole puissant de la Déportation des Acadien.ne.s, mais elle fait aussi figure de relique d’une ère révolue dans l’industrie touristique de la Nouvelle-Écosse. Lors d’un demi-siècle précédant la Deuxième Guerre mondiale, l’héroïne acadienne fictive de Longfellow s’est vue récupérée à grande échelle par plusieurs instances qui en ont fait une véritable mascotte. À l’apogée de ce phénomène, on pouvait quitter Boston à bord du bateau à vapeur S. S. Evangeline, débarquer à Yarmouth, monter à bord d’un train de la Dominion Atlantic Railway décoré aux logos d’Évangéline, et partir sur la Land of Evangeline Route en direction de la statue d’Évangéline à Grand-Pré; le tout en sirotant une Evangeline Pale Dry Ginger Ale et en grignotant des Evangeline Cookies. Cette sérigraphie [à être encadrée, tout simplement] cherche à souligner la nature absurde de la fétichisation de ce personnage acadien paysan par une classe dirigeante d’aristocrates anglophones non acadien·ne·s en modifiant la composition d’un timbre publié par Royal Canada Post en 1930. Ici, le nom CANADA est remplacé comme banderole officielle par une fiction territoriale nommée EVANGELINIA où le culte Évangélinien bascule dans une dystopie capitaliste aux allures de Disneyland. Représenté ainsi, le Lieu historique national de Grand-Pré – statue d’Évangéline à l’avant-plan – adopte la fonction de siège du pouvoir de la nouvelle juridiction de « l’Évangélinie » où l’église commémorative Saint-Charles-des-Mines sert d’édifice de la fonction publique – sa flèche décorée par le pennon à la lettre E.